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Source: lenouveleconomiste.fr

Entre bons résultats et gros potentiel, l’e-publicité bataille pour une meilleure visibilité et contre le trafic frauduleux.

La publicité sur Internet a le vent en poupe. En 2015, le chiffre d’affaires de la communication online a connu une progression de 6 % et représente maintenant près de 28 % des investissements médias, talonnant les investissements de la télévision et distançant la presse. Cependant, si les outils du marketing web se développent et permettent d’affiner les messages en fonction de l’audience, beaucoup de publicités manquent leur rendez-vous avec un client potentiel.

Faux sites, audiences trafiquées, robots cliqueurs…, la fraude est l’autre limite de l’e-publicité auxquels les professionnels doivent faire face. La visibilité réelle devient alors l’objectif prioritaire, celui qui permet le véritable retour sur investissement des annonceurs sur Internet, ceux qui rendent possible le modèle de l’Internet gratuit que nous connaissons jusqu’à aujourd’hui.

Le constat est implacable : la moitié des publicités sur le Net ne serait pas vue, d’après le baromètre de l’AdVerification en 2015. En d’autres termes, les annonceurs payent des sommes importantes pour des publicités qui ne seront pas assurées de trouver un public. Un gâchis de taille. La lutte pour une visibilité accrue est donc l’objectif majeur pour optimiser le retour sur investissement.

Le marché de la publicité sur Internet en France représente autour de 3 milliards d’euros et se trouve vampirisé par Google qui, à lui seul, accapare environ 1,8 milliard du butin. D’autres géants du Net comme Facebook ou encore Pinterest proposent de plus en plus des formats publicitaires novateurs pour les annonceurs.

« De nouveaux entrants arrivent et les professionnels en sont heureux et optimistes, mais il faut savoir que Google détient la part du lion », confirme Pierre Gaudet, président de Steerfox, agence SEA à Paris et Aix en Provence qui propose d’optimiser et d’automatiser les campagnes publicitaires sur la Toile.

Nouveau paradigme

Un marché qui a bien évolué ces dernières années. Il n’est plus question de lancer une campagne de pub en masse et de faire un bilan deux mois plus tard. “Ça ne se passe plus du tout comme avant, assure Nicolas Tralongo, fondateur de 2Emotion, une plateforme de marketing digital et vidéo. Les technologies permettent de savoir à qui on s’adresse, homme, femme, CSP, nouveau venu ou connaisseur de la marque, etc. Toutes ces informations sont disponibles et permettent de s’adapter à une audience type avec un message dédié.”

C’est pour le moment l’avantage de l’e-publicité sur toutes les autres formes de réclame, la seule qui soit en mesure de cibler le futur client, de se montrer pertinente en fonction de ce que l’on sait de lui. Et ce que l’on sait de lui, les marques ont pu le collecter sur tous les supports informatiques possibles et elles sont désormais capables de comprendre que la même personne s’est connectée, qu’elle soit sur son ordinateur, sa tablette ou son smartphone (par la technologie du cookie et des données de navigation).

Il y a d’abord eu la CRM (Customer Relationship Management), ou GRC (gestion de la relation client) en français, qui permettait de collecter et rassembler toutes les informations sur des clients pour mieux les fidéliser. “Depuis 3 ou 4 ans est arrivée la DMP (Data Management Platform)”, se souvient Hervé Malinge, PDG de Makazi, une société issue de la Data et éditeur d’une plateforme de gestion de données en mode SAAS. “Ce n’est pas la suite de la CRM, mais elle se nourrit de celle-ci et va plus loin car elle stocke aussi des données issues des campagnes médias.”

Ainsi, lorsqu’un internaute visite un site, il est pisté via un cookie qui avertira la marque qu’il a été exposé à sa publicité. “Grâce à la DMP, nous allons beaucoup plus loin dans la connaissance d’un client par son cookie, poursuit Hervé Malinge. Ce profil-là a tel comportement d’achat, je sais ce qu’il a acheté depuis 5 ans chez moi, s’il ouvre mes e-mails, s’il navigue sur mon site, quels produits il voit…” Grâce à cette combinaison de données massives et des algorithmes mathématiques, les marques vont pouvoir affiner encore davantage les segments et ainsi diffuser le bon message au bon moment à la bonne personne.

L’outil prépondérant pour parachever ce paradigme publicitaire est le RTB (Real Time Bidding), soit l’enchère en temps réel. “Quand l’internaute arrive sur une page, on a le temps de demander à l’annonceur combien il est prêt à payer pour que sa publicité passe plutôt qu’une autre, explique Pierre Gaudet. Ce n’est pas la clé du succès, mais cela permet d’optimiser sur un certain point précis.” “C’est la tendance fondamentale du marché. Associé à la DMP, le RTB devient un outil redoutable”, ajoute Nicolas Tralongo.

La bataille de la visibilité

Avant tout cela, il faut aussi pouvoir se rendre visible aux yeux de l’internaute, et cela passe par une bonne connaissance des formats visuels. Il ne s’agit pas ici d’attirer seulement l’attention, mais, dans un premier temps, de se mettre dans la capacité d’être vu. C’est tout l’enjeu des bannières ou des vidéos qui fleurissent sur les sites. Mais, morne constat, une bonne moitié n’est vue par personne. Mais qu’est ce exactement que la visibilité ?

“Il y a la définition qui met tout le monde d’accord, donnée par l’IAB (Intractive Advertising Bureau), explique Nicolas Tralongo. Une publicité display est reconnue visible quand 50 % de ses pixels sont visibles pendant une seconde au minimum. Pour la vidéo, c’est lorsque 50 % de la création est visible au moins 2 secondes.” Avec une nuance fondamentale : la visibilité, ce n’est pas ce qui est vu, mais ce qui peut être vu. “La visibilité, c’est important, mais il faut la mesurer !, expose Michael Gonzalez, directeur général de Ve Interactive. De plus en plus de sociétés la mesurent. Il y a beaucoup de débats à ce sujet, sur les KPI (Key Performance Indicators) les plus complets ou des outils qui mesurent l’efficacité d’une campagne.”

Hélas, cette visibilité tant recherchée comme le Graal par les chevaliers d’Arthur n’est pas une science exacte et demeure dépendante de l’attitude imprévisible de l’internaute face à une page Web. La grande bannière du haut de page (bilboard) paraît être l’évidence, mais sera zappée par une personne impatiente ou intuitive qui aura déjà “scrollé” vers le bas et la quintessence de sa visite ou simplement en raison d’une connexion lente qui n’aura pas affiché assez rapidement le bandeau. “C’est un débat continu, mais j’aurais tendance à dire qu’il est mieux traité maintenant, reprend Nicolas Tralongo.

Grâce aux outils, on va pouvoir cibler en temps réel les endroits où la pub n’est pas assez vue et la réduire. On va être capable d’intégrer cette notion avec son coût et son impact à tel endroit.” “La visibilité doit être contextualisée avec d’autres facteurs”, selon Michael Gonzalez, qui abonde dans le même sens.

Pour se prémunir des publicités “gâchées”, il faut savoir s’adapter également à la bonne méthode de rémunération et s’éloigner peut-être de l’affichage pur et simple. “Si vous ne payez qu’aux résultats, aux clics sur votre pub, vous avez moins de soucis à vous faire”, assure Pierre Gaudet. Ces clics engendrent des statistiques. Si un annonceur a récolté 1 000 clics et qu’il en tire 10 ou 20 ventes, cela donne un certain chiffre d’affaires et indique s’il peut payer le millier de clics acheté. “Ce sont des calculs que les clients font très vite pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas”, poursuit Pierre Gaudet.

L’analyse des résultats devient alors fondamentale et un métier à part entière. Pour augmenter la visibilité, les plateformes et leurs clients annonceurs passent de plus en plus par la vidéo ou le Rich Media, un contenu qui va s’appuyer sur plusieurs formats comme le son et l’image. Support coûteux et chronophage, la vidéo peut être prise en charge par des entreprises comme Steerfox ou 2Emotion pour libérer ses clients moins fortunés. “Nous travaillons pour atteindre 70 % de visibilité, et nous les atteignons notamment grâce à la vidéo”, assure Michael Gonzalez.

Lutter contre le faux trafic

Si la visibilité est entravée, cela est dû également à la fraude. Internet, le lieu de tous les possibles, l’est autant aux rayons vice que vertu. Sites fantômes, chiffres d’audiences gonflés artificiellement pour attirer les annonceurs, tout est fait pour attirer des publicités qui seront payées mais invisibles dans le sens où elles ne rencontreront pas de public. “6 % des impressions publicitaires du marché sont très probablement frauduleuses, selon notre dernier rapport de la qualité média sur Internet pour le quatrième trimestre 2015, déclare Yann Le Roux, directeur général France d’Integral Ad Science, spécialisé dans l’optimisation des opportunités publicitaires et la lutte contre la fraude. Il n’y a jamais de certitudes, mais lorsque nous détectons une impression frauduleuse, il y a 95 % de chances pour que ce soit un robot qui surfe et non un humain.”

Le trafic non humain est la fraude la plus rencontrée. Un véritable site se monte, il existe mais avec très peu de trafic naturel et un robot est alors programmé pour en générer davantage et attirer des annonceurs. “C’est une perte d’argent pour les annonceurs car aucune personne réelle ne voit la publicité”, témoigne Yann Le Roux. Malheureusement, cette lutte est ardue et se rapproche de la lutte anti-dopage dans le sens où seules les techniques déjà connues sont recherchées, laissant presque toujours un coup d’avance aux fraudeurs. “La première étape pour lutter contre la fraude est de savoir la détecter. Mais nous ne pouvons l’identifier que sur le périmètre des sites clients que nous mesurons, explique Yann Le Roux. À partir de cette mesure, nous fournissons en temps réel à nos clients une base d’adresses IP à blacklister.”

Gagner des batailles dans cette guerre passe par la veille informatique, se promener sur les forums pour apprendre les tactiques des fraudeurs et ainsi mettre en place des solutions. Une liste noire est mise à jour en permanence et rendue disponible pour les clients de ce genre de service. Cela fonctionne aussi pour les acheteurs programmatiques afin d’éviter de renchérir sur un site potentiellement dangereux en termes d’image. Ce genre de fraude existe également en faveur de véritables sites qui vont gonfler leurs statistiques pour attirer davantage les annonceurs qui les font (sur)vivre.

C’est une solution plus facile que de payer des prestataires pour augmenter les visites, mais les clients ne savent pas forcément que ce trafic sera non humain. Pour lutter contre cela, les éditeurs doivent surtout savoir ce qu’ils font et ne pas se contenter du résultat. “Lorsqu’ils n’arrivent pas à créer du trafic, certains éditeurs, même haut de gamme, ont parfois recours à des solutions de génération de trafic en général non humain et frauduleux”, commente Yann Le Roux.

“L’humain est très important, intervient Michael Gonzalez. On parle de RTB, de machines, d’algorithmes, mais l’humain permet de détecter la fraude, grâce à une attention particulière et quotidienne. Il n’y a pas de solution technologique miracle aujourd’hui, c’est un mix à mettre en place.” Malgré la fraude et une visibilité à améliorer, l’e-publicité connaît une période de croissance importante et ses possibilités multiples sont encore balbutiantes. Le mobile apparaît d’ores et déjà comme le nouvel Eldorado de la publicité programmatique avec +60 % d’achat en 2015. Un support qui trouve un plus grand retour sur investissement grâce à une visibilité encore meilleure.

L’adblocking, une bouffée d’oxygène ?

C’est une histoire de compromis, entre ras-le-bol des internautes d’une pub trop envahissante et le mariage forcé des sites avec les annonceurs pour assurer leur survie. Depuis quelques années sur la Toile se développent des logiciels d’adblocking permettant de chasser les publicités pendant les sessions de surf. “C’est un mouvement important depuis l’année dernière surtout, analyse Nicolas Tralongo, fondateur de 2Emotion. Les internautes ont subi une pression pub trop forte.” “Un sondage disait que 40 % des internautes étaient prêts à payer pour ne plus avoir de pubs, reprend Michael Gonzalez, directeur général de Ve Interactive France. La pub fait vivre l’Internet gratuit, mais il faut respecter l’internaute et mieux intégrer les pubs dans le contenu.”

Face à la montée des adblockers, les annonceurs ont compris qu’il fallait faire autrement et accentuer la qualité des publicités pour contourner ce problème du rejet. “Il faut travailler dans le sens du consommateur et surtout ne pas trop le solliciter. Sinon, ça fera baisser les taux de clicks et la visibilité aussi”, insiste Michael Gonzalez. Outre la qualité des publicités, certains mastodontes ont préféré agir dans l’ombre et nouer des alliances stratégiques plus ou moins avouables. “Les grands adblockers ne sont pas tous très nets, révèle Nicolas Tralongo, le sourire jaune. Ils permettent à certaines pubs de passer et vendent des espaces à des annonceurs qui ont les moyens de payer.”

Pour la morale, il faudra donc repasser et les plus petits annonceurs qui ne peuvent se permettre ces raccourcis se retrouvent piégés. Heureusement, un compromis pourrait être trouvé, notamment grâce à l’IAB (Interactive Advertising Bureau) qui est en train de mettre au point un système baptisé Lean, tel un label qualité, pour que les annonceurs travaillent en collaboration avec les adblockers. “Ainsi, une publicité qui suivrait les standards Lean pourrait passer à travers les adblockers, et ce serait très bien pour tout le monde”, conclut Michael Gonzalez. Le système est actuellement testé aux États-Unis et devrait rapidement parvenir en Europe.

53,5 % d’impressions visibles en France au 4e trimestre 2015, soit une progression de près de 6 points par rapport au début de l’année (taux mesuré pour une seconde). Ce taux baisse à 37,5 % pour 5 secondes de visibilité.

Avec ce taux de visibilité, la France se situe devant l’Allemagne (53,4 %) et le Royaume-Uni (50,1 %), les États-Unis (44,7 %) ou l’Australie (42,4 %).

La part de la fraude sur le total des impressions est de 6 % (10,4 % au premier trimestre 2015).
Source : Rapport trimestre 4 d’Integral Ad Science sur la qualité média de la publicité sur Internet en France

Par Benjamin Pruniaux

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